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Mes mots random...
20 novembre 2008

Tu parles, Charles

Je ne sais pas pourquoi je me souviens de Prague, à la sortie de son hiver rouge.

Je me rappelle qu'on entrait dans la ville en passant devant une centrale électrique dont on entendait bourdonner les isolateurs à plusieurs centaines de mètres de distance. Il fallait franchir un horizon bleu sale de barres HLM pour trouver le Musée Mucha, les pavés irréguliers, les escaliers romanesques et les bâtisses baroques.

C'étaient les premiers jours du printemps et les ruelles se bordaient de cafés tout juste inventés d'où s'échappaient  indistinctement Modern Talking et Motorhead poussés à un volume déraisonnable. Nous avions pris un verre dans un pub nommé Beton sans parvenir à échanger plus de deux phrases audibles.

Les premiers t-shirts souvenirs pendaient aux fenêtres, des punks Allemands étaient assis par terre avec des des chiens-loups et des bouteilles de mauvais vin rouge qu'ils vomissaient parfois.

La nuit, les ombres s'allongeaient jusqu'à toucher l'âme de Murnau, les murs renvoyaient la lumière jaune des lampes Art Déco et les pas résonnaient des échos pas encore si lointains de la Statni Bezpecnost.

Jitka m'avait emmené dans cette disco installée sous le pont Charles où les Américains faisaient leur Spring Break dans la vieille Europe en ayant l'impression d'entrer dans l'histoire, alors qu'ils n'entraient que dans des putes payées en dollars. Les mecs sentaient la Pilsener Urquell et les filles sentaient la Pilsener Urquell et

Un autre soir, nous étions allés dans ces Bains Municipaux transformés en une gigantesque boîte de nuit où l'on dansait sur de la techno avec de l'eau jusqu'à la taille. Même les seins humides des filles sous les faux t-shirts Versace n'avaient pas réussi à me distraire. L. me manquait, toujours.

Jitka m'avait expliqué que si l'on traversait le pont Charles sans se retourner et qu'on faisait un voeu, il s'exauçait.  Giorgio de Beverly Hills. J'étais sorti prendre l'air. J'avais regardé l'eau noire de la Vtlava tourbillonner en contrebas contre les piles du pont, je m'étais demandé combien d'Américains ivres allaient y tomber cette nuit et ne jamais reparaître.

J'avais traversé en regardant fixement devant moi.

C'était sans doute pas le jour pour être superstitieux.C-

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Commentaires
M
@ dérobée : Le temps ne fait rien à l'affaire, j'aime votre sensibilité, votre regard et les mots que vous posez sur les miens. Un lien qui existe quelque part, et qui perdure.
D
Flatteur miroir que vous tendez à celle qui n'a pas mis le pied hors d'ici depuis longtemps. Il n'est que de reprendre goût à l'échappée belle, quelques secondes. Ce serait ça. Regard fureteur dans l'exotisme quotidien.<br /> (A part dans les moments où on échappe à soi-même.<br /> Impossible paradoxalement de s'évader.)<br /> <br /> Mais : merci.
M
@ L'Obsessif : Ha, les backpackeuses... ce corps ferme et nerveux, ces muscles durs, cette odeur de transpiration aigre et cette crasse dans les recoins les plus inattendus... (bienvenue ici)
M
@ L'Ombre : Et comme disait l'autre, il faut cultiver son Jardin...
M
@ Heure Indue : Oui, n'est-ce pas ? Prague a une force poétique, un destin romantique et, d'une certaine façon, une dimension tragique, vendue au tourisme de masse et à un avenir de musée de l'Europe, graffité de tags idiots et de t-shits sérigraphiés "I went to Prague and all I got is this lousy t-shirt".
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