Glissements progressifs
C. n’est pas tout à fait belle. Elle l’a été.
Elle a gardé de ses jeunes années une chevelure et un port de tête préraphaélites.
Elle a appris de ses années de femme l’intelligence du cœur et la beauté du regard.
Je le vois avancer vers moi, son corps est joliment drapé d’une robe vert anis.
Je n’avais pas regretté. Je n’avais pas non plus regretté la nuit qui avait suivi. Avant qu’elle me réponde qu’elle ne serait jamais ma maîtresse. Avant qu’elle me rétorque que j’aurais quand même pu essayer de la faire changer d'avis... Je n’avais pas revu C. depuis trois ans, jusqu’à ce déjeuner dans ce restaurant espagnol, place du marché Saint Honoré. Nous parlons de son agence, des vins du nouveau monde. Nous parlons de ses amants, de ses rencontres sur M**tic. Du fait qu’elle est toujours amoureuse de son ex-mari. Elle hésite un peu, les yeux dans le vague… - Et toi, tu es toujours… - …Infidèle ?… - Oui, toujours... Un peu plus, un peu moins, ça dépend. Elle me raconte sa nuit « pour essayer » avec cet amateur de domination qui lui avait craché dans la bouche et tiré les cheveux, et combien elle s'était retenu de rire avant de le mettre à la porte… - C’est pas ton truc, à toi, la domination. - Non, tu le sais bien… - Oui, toi tu es tout le contraire de ça, tu es… tellement doux...
Elle hésite un moment, me regarde dans les yeux sans ciller. - Tu sais, tu as été un de mes tout meilleurs... tu sais ? - Merci… - C’était…vraiment bien. - Moi aussi tu sais, j’en garde un agréable souvenir… - Tu viendrais à la maison, un soir ? - … J’aimerais bien, oui. - La semaine prochaine ? - La semaine prochaine. Je te vois la semaine prochaine, me dit-elle.
Je me rappelle de cette soirée chez elle où elle m’avait demandé si je voulais voir ses seins. J'avais dit oui.