Spider kiss
Je referme la porte derrière moi et elle m’embrasse. Elle
m’embrasse et le baiser se prolonge un tout petit peu plus que d'habitude. Pas un baiser langoureux, non, un baiser
sur les lèvres juste un peu plus long... Elle cesse. Puis elle
recommence. Je perçois quelque chose d’inhabituel dans sa façon de
faire. Puis l’évidence me saute au visage : elle me flaire.
Elle me renifle comme un cochon truffier me passerait au scanner de
ses deux cent millions de cellules réceptrices. Je me recule un peu
et lui demande ce qu’elle fait. Elle me répond
qu’elle sent un parfum inhabituel autour de ma bouche. Hier, elle
m’avait fait remarquer avec insistance que j’avais une haleine de
fumeur, moi qui ne fume pas (elle avait d’ailleurs raison, une bizarrerie que je ne m’explique pas). Elle énonce
ces quelques phrases d’un ton détaché, comme elle analyserait une
courbe des ventes. Elle insiste, elle me renifle à nouveau et j’ai
l’impression gênante d’avoir un chien-loup qui me fourre sa truffe
entre les jambes. Je ne bouge pourtant pas d’un pouce, je la laisse
poursuivre son inquisition en la regardant dans les yeux. Je la laisse faire sans sourciller, car même dans sa jalousie elle est à coté de la plaque : la
dernière femme que j’ai embrassée, c’est ma mère...
J’attends qu’elle ait fini, je vais me changer, sans même lui dire
qu’elle se fait un film.