La femme à la peau de serpent
Cette-nuit là, nous avons fait l’amour, un peu.
Mais l’enjeu de cette nuit n’était de pas faire l’amour.
Nous avons dormi dans la peau de l'autre, dans le souffle de l'autre, dans la chaleur de nous deux.
A présent c'est le matin et après avoir grignoté du parmesan, des grains de raisin rouge et bu du thé au jasmin, je fais couler de l’eau sur ses épaules nues.
Je fais couler l’eau très chaude car je sais qu’elle en aime la brûlure sur sa peau.
Je place dans ma paume une noix de gel translucide et je commence à frotter ses épaules, son cou, son dos, ses bras.
Je sens la dureté des centaines de petits grains sous mes doigts qui roulent et qui abrasent.
Je ponce doucement sa peau, avec des gestes attentifs et doux.
Je devine les petites imperfections, les bosses invisibles et les irrégularités infimes qui s'estompent ou s'effacent sous la rude caresse.
Quand je lui ai proposé de venir ici, j’ai eu envie de ces gestes-là, précisèment. Et cette envie m'avait étonné.
J'y repense alors que mes mains courent sur ses épaules, son cou, son dos, ses bras et que déjà la peau se transforme, s'assouplit, s'adoucit.
Et quand je rince son dos à l'eau claire, l'évidence m'apparaît, et me trouble.
Je suis en train de laver certaines douleurs.
Je suis en train de chasser les traces, les scories qu'elle porte à la surface de sa peau comme les cicatrices au profond de son âme.
A ma façon, à ma surface, à la vanité de mes mains, je l'aide à faire peau neuve. Je l'accompagne.
A la force et à la douceur de mes mains, je participe à sa mue.