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Mes mots random...
20 avril 2006

Centraéroon

On avait dû crapahuter pendant deux heures. Deux bonnes heures. Sous un soleil de plomb, en plein mois d’août. Pour je ne sais plus quelle raison. Tout ce dont je me rappelle, c’est qu’on avait marché, marché, tellement marché que j’avais la langue collée au palais, que mes yeux étaient rougis par la sueur acide qui avait coulé dedans et que mes jambes étaient des poteaux. Des kilomètres, on avait marché. Avec l’autre con qui nous faisait chanter à tue-tête « L’eau vive » et « La mère Michel ». L'eau vive...  

Foutu Centre Aéré.

Deux heures, qu’on avait crapahuté, sans sac à dos. Ouais. Sans sac à dos, sans casse-croûte et sans gourde. Crétin de moniteur, va. Grand con. Moi, ça faisait une heure que je tenais le coup en pensant à elle. Elle, la gourde que maman avait mis dans ma musette avant que je ne parte pour cet enfer où elle m’envoyait chaque matin avec un bisou sur la joue. Ma gourde pleine de menthe à l’eau. Verte. Fraîche parce que rangée à l’ombre du noisetier. A présent je ne cours même pas vers le noisetier, j’ai trop mal aux jambes. Je regarde mes pieds se placer lourdement l’un devant l’autre, l’un après l’autre. Et puis je vois l’ombre du noisetier sur la poussière blanche et je lève la tête.

Et je vois Brémontier. Brémontier qui me terrorise depuis mon arrivée au Centre Aéré. Brémontier qui a un an de plus que moi, qui déteste les intellos à lunette, qui déteste les mecs timides, qui me déteste, quoi. Brémontier qui fait de chaque heure passée dans ce Centre Aéré un enfer sur terre. Brémontier tient ma gourde. Il l’a prise dans ma musette. Il tient ma gourde à bout de bras et il la vide par terre, en me fixant droit dans les yeux et en rigolant.

Et tout devient blanc, blanc comme la poussière du Centre Aéré. Quand les contrastes reviennent derrière mes yeux, Brémontier a laissé tomber la gourde par terre. Il se débat. Je ne sais pas trop comment mais mon avant-bras lui écrase le cou. Il a du mal à respirer. J’entends ses pieds qui tapent par terre, qui dérapent dans la poussière blanche, sa respiration lourde, ses bras qui battent l’air. Mon bras autour de son cou. Juste plus serré.

Plus serré. Et puis Brémontier ne bouge plus. Devient lourd. 

Jusqu'à ce qu'il pousse un cri inarticulé. Rauque. Alors je me rends compte de ce qui arrive et je lâche Brémontier, qui tombe par terre. Personne ne l’aide à se relever dans le petit cercle qui s’est formé sans que je m’en aperçoive. Et quand il se remet debout, il est blanc comme la poussière du Centre Aéré.

Demain, il ne m’embêtera plus, Brémontier, c’est sur. Mais moi je n’irai pas au Centre Aéré, demain. Ni demain ni après. Ma mère ne saura pas pourquoi, mais je n’irai plus.

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